L’origine du projet

Un matin d’été de juillet 2008, nous partons avec les enfants qui ont alors un an et demi et trois ans et demi en direction du Vieux Port de Montréal avec comme objectif de visiter le Belem, un voilier ancien à trois mats qui est de passage au Québec. À ce moment, mer, voile et bateaux ne nous interpellent pas particulièrement… et nous ignorons que d’ici quelques heures, notre existence sera sur le point de prendre une toute nouvelle tournure!

À ce moment, les enfants étaient encore bien jeunes et nous jonglions encore avec l’idée d’avoir un troisième enfant. Au fond de nous, nous savions que nous partirions un jour pour voyager avec les enfants, mais nous n’en étions pas là pour le moment, étant sur le point de quitter la maison que nous avions fait construire pour déménager dans notre maison actuelle, un duplex ancien du Vieux-Longueuil que nous nous apprêtions à tout rénover…

Mais par cette belle matinée de juillet, le destin a sans doute voulu ajouter un peu plus de piquant à nos vies pourtant déjà bien agrémentées en nous soumettant à de nouvelles tentations, lui qui connaissait sans doute notre propension à céder à nos envies et foncer tête baissé devant les défis.

Le destin a ainsi voulu que nous soyons à cet endroit, à ce moment. Car il a fallut une image forte pour me faire basculer dans le rêve d’une vie au gré des vagues, moi qui n’affectionnait pas particulièrement les passages sur l’eau qui ont toujours rimé avec nausées. Mais cette image a effectivement été très forte.

Ce n’est pas le Belem, malgré toute sa grâce et sa splendeur, qui a allumé l’étincelle à l’origine de notre projet de partir voyager le monde sur un voilier avec notre famille. Ça s’est passé juste après la visite du Belem, alors que nous regardions les bateaux accostés dans le vieux port. Il faisait un soleil magnifique et la journée commençait à être chaude. Dans le vieux port, il y avait de nombreux bateaux. Et vers le fond, il y avait un voilier. Il avait l’air assez ancien, pas très gros, effilé vers l’avant et vers l’arrière. Une coque blanche avec de belles boiseries vernies. Et de ce bateau, il est sorti un garçon torse nu dans la lumière du matin, un peu ébouriffé, qui mangeait un bol de céréale. Et bien, c’est à cette image, à ce garçon, que nous devons tout ce qui s’ensuivra.

Sur la rambarde au-dessus des quais du vieux port, je me suis tournée vers Ronald et je lui ai dit : « Wow, t’imagines… » J’imaginais ce garçon qui venait de loin et qui était aujourd’hui aux pieds de Montréal, à deux enjambés d’une ville nouvelle, alors que pour l’instant il s’éveillait doucement, dans le confort de son chez soi, prenant son petit déjeuner avec comme vue tous ces gens qui l’enviaient peut-être. 

N’était-ce pas ce qu’il y a de mieux pour voyager? Le sac à dos, nous connaissions. C’est une façon grisante de voyager, une liberté totale, empruntant les transports locaux, mangeant aux petites gargotes, dormant aux moins chers. Mais avec des enfants… l’école… On ne peut dormir chaque soir dans un nouvel endroit, manger pain et riz chaque diner…

Ainsi, nous venions de trouver la maison, l’école, l’autobus, le foyer de notre futur voyage. Ce sera sur un voilier que nous partirons.

La préparation

Les mois qui suivirent furent hauts en découverte. C’était tout un univers qui s’ouvrait à nous. Nous ne connaissions rien. Rien de rien, ni à la voile, ni à la vie sur l’eau, ni aux bateaux, ni à la navigation. Rien. Nos premières explorations furent sur internet, explorant les voiliers à vendre et découvrant le vocabulaire des voiliers, un guideau, un winch, un bimini… C’est ainsi que passa l’été 2008, entre les rénovations de notre nouvelle maison, la préparation de notre mariage qui devait avoir lieu dans quelques mois, en décembre au Mexique, et les recherches sur les voiliers.

Puis, arriva un moment fort pour nous. Notre première rencontre avec un voilier. C’était à l’automne 2008. Nous avons découvert alors St-Paul-de-l’Ile-aux-Noix et apprenions que là-bas s’y trouvent plein de concessionnaire de voilier. Avec les enfants, nous prenons alors la route vers cette destination inespérée et faisons notre première rencontre avec un voilier. C’est un Jeanneau, tout neuf, dans la salle de montre. Nous sommes sans voix. C’est si… classe! Élégant, épuré, vaste, et si fonctionnel! Notre enthousiasme n’est que décuplé. Les enfants  sont aussi excité que les parents! Nous visitons aussi les Beneteau, ils sont aussi beaux!

Puis l’hiver arriva. On s’est acheté des livres, La voile pour les nuls, c’était un bon commencement! Puis on a appris le vocabulaire des manœuvres, le principe de la voile, les allures, étarquer, lofer, choquer… On a lu des récits de voyages. Histoires de Partir d’abord, puis Et si c’était ça la vie, et La Vlimeuse qui nous a fait envisager un tour du monde. On a exploré les routes possibles, la Méditerranée, un tour du monde, les Caraïbes, un détour par le Brésil…

Au printemps 2009, nous réservons notre place sur un voilier pour suivre notre Brevet élémentaire. Nous embarquons avec Yvon de Voile Mer et Monde sur un voilier de 38 pieds pour une semaine d’apprentissage sur les manœuvres et la vie à bord d’un voilier. Pour nous, c’est bien plus qu’un brevet que nous allons chercher. C’est le test ultime à savoir si on poursuit ou non le projet, si nous aimons ou non la voile et la vie sur un voilier, et aussi si Catherine saura résister au mal de mer.

La semaine se déroulera à merveille. Il y aura bien un peu de mal de cœur, mais c’est davantage la fatigue lié à l’exposition aux éléments qu’à l’agitation du lac Champlain. On découvre qu’il n’est pas si sorcier de faire de la voile. On se débrouille vraiment bien! Faut dire qu’on était très bien préparé : La voile pour les nuls n’avait plus de secret pour nous et nous avions tellement préparé mentalement toutes ces notions qu’il ne nous restait plus qu’à les mettre en pratique! On découvre aussi la douceur d’être sur l’eau, à quel point on arrive à décrocher du quotidien et ça fait tellement, mais tellement de bien! Le matin au mouillage, nous sommes seuls au monde et tout est si calme…

Alors pour la suite, nous avons acheté notre bateau à l’automne qui suivi, soit en novembre 2009. Notre seule expérience était donc une petite semaine de formation plus un week end entre amis en septembre sur un catamaran avec un skipper. Et depuis, nous naviguons sur le lac Champlain, apprenons, préparons Oséo en vue du grand départ prévu en 2014!